VIDÉO. Au Clair de la rue, la chorale des sans-abri, chante au théâtre Graslin

Ils s’apprêtent à chanter au théâtre Graslin. Et ça leur fait tout drôle.  Car d’habitude, on n’a pas de public , s’amuse Gilbert. Le bonnet enfoncé sur la tête, une chasuble fluo sur le dos, le choriste, posté derrière un corbillard, vient de remplir le silence de Miséricorde de La Tendresse, de Bourvil. C’est dans les cimetières que sa chorale Au Clair de la rue entre en scène.

« Quand ils chantent, ils retrouvent leur dignité »

 On chante pour ceux qu’on appelle les morts de la rue, ou des personnes isolées , sourit Yannick Jollivet. Ce jour-là, le fondateur de la chorale et sa joyeuse troupe accompagnent ainsi Michel, décédé et sans famille pour ses obsèques.  Pour reprendre les mots du Canard enchaîné, nous sommes la seule chorale du monde qui chante faux mais dont le ton est juste , souffle le malicieux septuagénaire.

Pour ce  piètre chanteur , ingénieur de formation, l’aventure humaine a débuté il y a 16 ans.  Toutes les belles histoires commencent par une rencontre. Moi, c’était avec Serge Rousse, dit Le Gaulois. Tous les dimanches matin, j’allais chercher mes huîtres au marché Talensac, et le grand gaillard, sans-abri, faisait semblant de me tenir la porte du parking pour papoter. Un beau jour, blême, il m’explique qu’il vient d’enterrer trois copains de la rue, sans un mot, à la va-vite. C’est là que je lui ai proposé de regrouper des gens de la rue pour chanter. 

La chorale a commencé petit.  On était trois au début ! Et puis, Le Gaulois a recruté, on a trouvé un chef de chœur, une salle de répétition. Aujourd’hui, nous sommes une dizaine de bénévoles et près de 15 personnes « isolées » à venir ainsi chanter notre répertoire de 70 chansons françaises aux enterrements. On a même un guitariste et accordéoniste. 

Au côté de l’association nantaise De l’Ombre à la lumière, qui organise des sépultures pour les sans-abri et personnes isolées, Alain, Yves, Damien, Paulo, Gilbert et les autres participent ainsi à 20 à 30 cérémonies par an. Et leur musique ne répare pas que le cœur des défunts :  La plus grande précarité aujourd’hui, c’est l’isolement. Je vois des gens que personne ne regarde et quand ils chantent, ils retrouvent leur dignité. C’est fabuleux ».

La chorale Au clair de la rue regroupe une petite trentaine de choristes. © Photo PO-Nathalie Bourreau

Sollicités pour La France a un incroyable talent

Depuis 2007, la magie d’Au clair de la rue s’est peu à peu propagée :  En 2016, on a créé une fédération qui regroupe sept chorales en France. On a même tous été chanter en Suisse pour un congrès sur l’addiction, tous frais payés par des spécialistes qui avaient entendu parler de notre histoire ! .

La troupe se dit presque victime de son succès :  Beaucoup veulent participer mais je préviens toujours : on ne donne pas des bons points pour le paradis, mais venez en parrainant deux personnes en précarité. Ça fait réfléchir ». Le retraité au grand cœur pouffe de rire :  On nous a même sollicités pour La France a un incroyable talent. Mais on n’est pas des bêtes de cirque, hein ».

Invités d’Angers Nantes Opéra

Les artistes, qui préparent une petite tournée en Bretagne pour le printemps, ont en revanche été très touchés par la proposition du directeur de chœur d’Angers Nantes Opéra. Ce mercredi 22 novembre, à 19h, entre Mozart, Bizet, Verdi, leurs interprétations de Mon amant de Saint-Jean ou encore de Si tous les gars du monde ouvriront la première session de « Ça va mieux en le chantant ».  C’est la 2^e fois que Xavier Ribes nous invite à chanter sur la scène de Graslin. Et ça, confie Yannick Jollivet, pour les choristes d’Au Clair de la rue, c’est quelque chose !