Sans filtre

"Sans filtre" de Ruben Östlund… Après "Snow Therapy" et "The Square", première Palme d'or à Cannes, on attendait avec impatience "Sans filtre", la deuxième Palme d'or de Ruben Östlund… Eh bien, on n'est pas déçu! Il s'agit toujours d'un cinéma virtuose, à la mise en scène et au montage toujours aussi brillants et rigoureux. Techniquement on reste pantois devant un tel talent. Comme "The Square", "Sans filtre" est un film éminemment politique sur la lutte des classes, sur la place des femmes dans la société et sur bien d'autres thèmes que Ruben Östlund ne s'interdit pas de traiter. Comme d'habitude, le cinéaste utilise la fable et la parabole pour décrire avec une incommensurable vacherie la société contemporaine mondialisée, le fossé qui se creuse entre ultra-riches et ultra-pauvres. Mais le discours anarchiste et révolutionnaire baigne dans la cocasserie et le burlesque sans perdre -bien au contraire!- de sa force, de sa puissance. Et tout y passe, le monde de la mode, les oligarques russes, les croisières pour riches, la place des femmes dans la société dans un tourbillon volontairement iconoclaste. On passe de "La croisière s'amuse" à "Sa Majesté des mouches" en passant par les dégueulis grandioses des Monty Python. Il y a aussi du"Satyricon-Fellini" dans cette peinture de notre société décadente, même si les époques sont différentes. Evidemment on comprend très vite quel camp choisit Ruben Östlund et les tribulations des pantins grotesques sont jubilatoires. On part du monde de la mode, puis on passe à la croisière des très riches, attaquée comme il se doit, par les pirates habituels et on finit par quelques rescapés sur une île déserte! Et, là, on assiste aux luttes de pouvoir, aux convulsions anarchistes et révolutionnaires! Bref, du grand cinéma baroque, parfaitement maîtrisé par un cinéaste brillant et imaginatif!