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Ivre, le policier a tué un collègue : sept ans de réclusion... |

Hier, au terme des débats de la cour d'assises de Loire-Atlantique, Jean-Luc Guillermic s'est levé, fixant solennellement le public et la famille de la victime. Il a alors indiqué : « Je n'ai pas peur de vous regarder dans les yeux pour vous dire que je n'ai jamais voulu faire de mal à Frédéric Ruaux. »
Jean-Luc Guillermic, ex-brigadier-chef, a été reconnu coupable d'avoir tué un collègue policier, en plein commissariat central de Nantes, au terme d'une soirée arrosée, en octobre 2004. Il a été condamné à sept ans de réclusion criminelle et écroué.
Sur la photo, Frédéric Ruaux, 33 ans, sourit. Il est en compagnie de son fils, 7 ans, tout aussi radieux. Incontestablement, l'homme est heureux. Ce seul cliché bat en brèche l'image de tête brûlée à tendance suicidaire qu'a voulu brosser la défense de l'ex-brigadier-chef Jean-Luc Guillermic, accusé d'avoir tué « Fred », collègue policier, après une soirée arrosée, dans la nuit du 16 au 17 octobre 2004, en plein commissariat de Nantes. « Frédéric était plein de vie et joyeux, confirme Carole, sa soeur. Il adorait son petit garçon et avait plein de projets. »
Ce qui torpille également la défense, c'est l'enquête de la police des polices, immédiatement saisie de l'affaire. Les conclusions de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) sont accablantes : Jean-Luc Guillermic a menti, à de multiples reprises. D'abord, il assure que « Fred s'est suicidé ». Puis il indique avoir tiré accidentellement avec sa propre arme de service. Des déclarations dynamitées à l'épreuve de l'expertise balistique.
Acculé, Guillermic livre alors une « version crédible » aux yeux de l'IGPN. Racontant s'être emparé de l'arme de Ruaux. Le collègue a retiré cinq munitions de son arme. Il l'a dit à Guillermic. Mais pour ce dernier, la cartouche susceptible de rester dans le barillet, « c'est du bluff ». Il tire après avoir, selon lui, été mis au défi par Ruaux. Qui s'écroule, mort. « Prétendre que ce geste est involontaire, c'est intenable, assène Georges Lauro, enquêteur de l'IGPN. Il faut une pression importante pour déclencher la détente. »
« Omerta » et « solidarité malsaine »
Face à la cour d'assises · Les explications de l'accusé fluctuent encore. « Fred a mis son arme dans sa bouche, martèle Guillermic. Dans un geste brusque, j'ai pris sa main et le coup de feu est parti. » La thèse accidentelle ne résiste guère aux témoignages des policiers présents lors du drame. Ils sont pourtant laconiques, ces hommes de la Compagnie départementale d'intervention, restés écluser quelques bières à la fin du service.
À la barre, un ancien sous-brigadier rapporte à reculons avoir été braqué par Guillermic. « C'était une plaisanterie », ose-t-il avancer avant d'être confronté aux déclarations de son épouse qui évoque un vrai « traumatisme ». Le président de la cour d'assises André Lourdelle redoute une « omerta », due à « un réflexe corporatiste », rappelant : « Dès le début de l'affaire, il a fallu vous arracher les mots de la bouche ». L'avocat général n'est pas plus tendre et fustige « une solidarité malsaine ».
Seul le gardien de la paix Lionel Labeyrie est catégorique. Il a vu Guillermic et Ruaux, qui avaient près de 2 g d'alcool dans le sang, face à face. Guillermic tenait « un revolver dans la main droite » et « moins de dix secondes plus tard », Ruaux était mort.
« Criminel »
Dénonçant « les rideaux de fumée » et « les amalgames » faits par la défense, l'avocat martèle son intime conviction : « Jean-Luc Guillermic n'est pas un meurtrier mais un criminel. » Il ne lui trouve aucune circonstance atténuante, requiert 12 ans de réclusion.
À bout de souffle, la défense joue son va-tout. « Personne n'a prouvé que Jean-Luc Guillermic a actionné la détente », affirme Me Alex Ursulet. Surtout, « il n'y a pas d'intention, de volonté de nuire, de faire mal à M. Ruaux ».
Le grand show à l'américaine ne prend pas. Poliment, et à plusieurs reprises, le président de la cour d'assises avait conseillé aux trois avocats de Guillermic de cesser de « prendre les jurés pour des boeufs », remarquant, persifleur : « Vous savez, vous êtes en province mais on a parfois le bac ici. » Cette nuit, à 0 h 40, la cour d'assises a condamné Jean-Luc Guillermic à sept ans de réclusion criminelle.
Yan Gauchard